Laissez-moi donc avoir des défauts
Leurs bonheurs m’énervent un peu dans mon dimanche-couverture-de-polar; je suis pas dans une bonne passe pis je viens de trouver un chandail rouge dans la brassée de blanc. Une journée à retourner se cacher dans son lit pour maudire le monde sous les couvertures. Une journée où bitcher des amis qu’on a pas vus depuis longtemps, ça fait un peu de bien. Une journée où être parfait, c’est pas une priorité.
J’étais marabout dans mon dimanche gris quand je suis tombée sur le statut de Julie-Namasté. Elle revient d’un voyage de six mois dans un pays quelconque. Julie-Namasté s’est trouvée grâce à un billet d’avion à rabais. Ça lui fait donc plaisir, depuis qu’elle est revenue, de nous aider à trouver notre grandeur d’âme. Ma belle Ju-Nam, aujourd’hui, c’est non.
Aujourd’hui, armée de ma douce couverture de quadrupèdes, je m’installe dans mes défauts. C’est pas contre toi, tsé, je le sais que le Vietnam-Laos-Cambodge-Sud-de-l’Espagne-pis-le-reste-de-l’Europe-aussi-dans-le-fond-j’ai-beaucoup-voyagé, ça t’a changé. Ton voyage, c’est l’équivalent physique de lire toute la collection de Bouillon de poulet pour l’âme. Depuis, tu veux aider tout le monde à s’élever au niveau de «meilleur être humain». Je sais.
Pendant que t’étais à la recherche de toi et du sens de ton existence dans un pays qui te permettait d’échapper à ta vie, ici, j’ai continué à me battre avec mon salaire minimum et mes prêts étudiants refusés. À courir après mon petit change pour essayer de m’acheter, moi itou, un billet d’avion pour aller me rincer l’âme dans le Gange.
Sais-tu, Ju-Nam, je trouve qu’y a déjà assez de pression de même. Pour être belle. Pis gentille, oublie pas d’être gentille. Pis de sourire. Faudrait que tu sois généreuse, aussi. Calme, tout le temps, c’est important. Drôle, mais sans prendre trop de place. Pis travaillante. Pis. Pis. Pis.
Et il y a tous ces articles qui passent. Ceux qui veulent faire de moi la meilleure version de moi-même. Et il y a tous tes statuts de croissances personnelles. Et il y a toute la collection de Bouillon de poulet pour l’âme.
Sauf que là, Ju-Nam, on est dimanche pis ma semaine m’a donné mal dans le dos. Je fais de mon mieux pour être la meilleure version de moi-même au quotidien, mais des fois, crier après des objets ou juger du monde sur Internet, protégée par des loups en polar, ça m’apaise du monde qui me frappe dans les tibias.
Aujourd’hui, je suis rushante. C’est toute. Ça ira mieux demain.
Je me choque quand je ne trouve pas quelque chose pis je fais des fautes de français. J’aime un peu ça, le Sour Puss. Je chante régulièrement du Simple Plan. J’oublie la date de fête de ma mère. Je suis jalouse par bouts. Pis souvent à bout. Je dis «ouain, j’sais» quand je le sais pas. J’ai plein de défauts.
Comme je suis pour en avoir toute mon existence, j’ai choisi de les aimer. Les autres vont passer ma vie à me cogner sur le coco, j’aime mieux pas frapper dessus aussi. Pis tsé, Ju-Nam, le jour où toi aussi t’auras mal à la tête de ta semaine de marde, tu viendras crier après des objets chez nous. Anne-Tendresse viendra y bitcher Carl-Caresse les jours de tempête.
Parce qu’il y aura toujours un endroit sur la planète où les défauts seront les bienvenus.
Chez nous.
