Quand ton esprit est aux antipodes

Ça fait plusieurs mois que je vis à la nomade avec ce que je peux. Je ne pensais pas me plaire dans un tel mode de vie et je me suis fait prendre au jeu. J’aimais habituellement que tout soit calculé, organisé méticuleusement, à tel point que lorsque ce n’était pas le cas, je stressais.

Quand je partais en voyage, j’avais un autre côté plus laid-back, plus relax. En juin dernier, je me suis dit que je tenterais de jumeler les deux côtés de ma personnalité dans un défi comme guide à l’étranger. Je me disais que mon côté organisé – freak sur les bords – serait mis à l’épreuve et que lorsqu’un imprévu arriverait, mon côté, « c’pas grave, on est en vacances » allait tempérer… J’ai jamais été trop forte en maths, mais je vous jure que ça a marché. Pis un peu trop bien à part de ça.

Je pensais vivre mon trip pendant l’été et après me placer : trouver une job, un appart, un chum pis adopter un chien en guise de compromis pour pas avoir un enfant tu-suite. Vous vous doutez ben que je ne vous écris pas pour vous annoncer que j’suis enceinte ou que j’ai eu une promotion à ma job ô combien stable. Eh non…

J’écris ces lignes sans savoir ce que je veux réellement au fond de moi.

Un côté de moi veut plus, il aspire à d’autres aventures, d’autres voyages, d’autres imprévus. J’ai tellement de rêves à réaliser, de choses à voir et à vivre encore. Je veux aller faire du backpacking en Asie. Je veux partir un an faire mon permis de travail en Nouvelle-Zélande et pouvoir décider de prendre celui pour l’Australie back-to-back. Je veux retourner au Kenya voir ces gens qui m’ont tellement marquée. Je veux aussi aller marcher avec des pingouins en Patagonie, manger des steaks de gauchos en Argentine et me faire bronzer sur les plages de Copacabana. La liste n’en finit plus… On dirait que plus je vois de ce monde, plus il y en a à découvrir.

L’autre côté de ma petite personne aspire à un petit loft ou même un deux chambres dans Montréal à partager avec ma meilleure amie le temps de placer ma petite vie. Avoir une job qui bouge, qui n’est pas répétitive et qui me plaît assez pour me faire subsister. Ce côté-là de moi a tellement hâte que ça arrive. Il le sait que le Brésil sera encore là dans 10, 15, 25 ans, mais un tel engagement ça rend mon côté nomade peureux, triste et surtout insécure. Dans les derniers mois, il a pris plus de place, il s’est développé, il a grandit.

J’ai appris à vivre d’une autre façon, avec peu de ressources et (surtout) peu de vêtements – et mes amies savent à quel point je tiens à mon linge! Bref, la nomade en moi crie fort, elle hurle afin que je ne m’engage pas pour compromettre sa liberté de partir loin, quand elle en a besoin. Alors que la rationelle organisée tente de la supplanter vocalement parce qu’elle voit des jobs de feu à Montréal.

Au bout du compte, je me console. Dans un mois, je repars en roadtrip. De quoi satisfaire ma guerrière nomade? Je crois, j’espère sincèrement que oui. La rationnelle têtue en moi qui a appliqué sur mille et une jobs de rêve m’en veut de partir encore dans un aussi mauvais timing. Ça repousse encore l’échéance où elle sera heureuse, la p’tite bosse des bécosses, à s’éreinter dans une routine où elle pourra trouver des repères.

Y’a deux parties de moi qui arrêtent pas de s’entrechoquer, ça donne des émotions assez extrêmes, assez imprévisibles… Je ne crois pas que je réussirai à en faire taire une de si tôt… Je peux seulement apprendre à les connaître davantage et à dealer avec, en tirant profit de toutes les opportunités qui s’offriront à moi dans les prochains temps. Après tout, tout le monde doit gérer ses deux personnalités de temps à autre.